Les étoiles du silence de Jean Marc Ceci : l’insupportable incomplétude de la vie
A paraître le 13 mars 2025

Construit comme un conte moderne à la manière d’un grillot, le roman explore la vie singulière de Peihn qui ne parle pas. Ce jeune adolescent, qui est resté un enfant dans sa tête, a décidé de se taire depuis deux ans maintenant et traîne en lui un inconsolable chagrin dont il ne connaît pas la raison. Il passe ses nuits sur les toits des immeubles à regarder le ciel et interroger les étoiles.
Il évite les autres enfants de son âge qui se moquent de lui et le violentent, casse la vitrine du coiffeur parce il lui fait mal quand il lui coupe les cheveux et le coiffeur, « c’est ce qu’il déteste le plus au monde ».
Peihn est un solitaire qui divise son monde entre « c’est que j’aime le plus au monde » et « c’est ce que je déteste le plus monde ». Souvent, il se réfugie chez Chadia dite « la baronne », qui lui offre un chocolat chaud et un bon bain, parfois il se réfugie sur le toit du palais de justice où le juge qui s’occupe de son dossier, Artorius Wesley, lui parle des étoiles, et quand il rentre, il s’assoit sur les genoux de son arrière-grand-mère, baptisée La Girolama, pour pleurer dans ses bras, parce que c’est celle « qu’il aime le plus au monde ».
Récit onirique d’un enfant qui vole vers la savane la nuit avec son meilleur ami imaginaire baptisé Glenny et une lionne qui le protège, avec qui il se sent en sécurité. Et un soir, il rencontre une jeune fille Muskaan, et c’est tout son monde qui va en être bouleversé.
Le silence de Peihn, n’est pas que celui de la voûte stellaire qu’il questionne chaque soir, c’est aussi celui de la Villa Mélisande, sa maison familiale, dans laquelle est venue se réfugier son arrière-grand-mère et qui depuis des années ne s’est pas levée de son banc, psalmodiant un chant inaudible et s’endort avant que la lune apparaisse.
Il y a le silence de Peditus Wein qui lit dans les pensées de Peihn et qui a commencé voici quarante ans un poème qu’il désespère de terminer, le silence d’Adélaïde, cette femme qui a recueilli Muskaan, jeune fille indienne qui a fui sa famille pour éviter un mariage arrangé, et qui écoute ce que les yeux de Peihn disent, celui de Joyce qui peint les anonymes en écoutant leurs histoires.
Mais il y a un autre personnage dont le silence ou plutôt l’absence de communication interpellent, Nathalie, la mère de Peihn. Pourquoi refuse-t-elle de lui parler, de quoi a-t-elle peur ? Silence de cette femme qui a été enceinte sans le savoir, a accouché inconsciente et qui n’arrive toujours pas à être sa mère même si un lien très fort, invisible et sensible les unis.
Magnifique roman qui allie avec tact, pudeur et silence, dialogue fragile avec un monde dont on attend tout d’une infinie tendresse et qui nous interroge sur l’impossible d’être complet, car derrière chacun de ces silences, il y a un manque, une histoire inachevée. Nous sommes tous des humains arrachés à des lignes de vies et nous vivons de nos manques plus que de ce que nous possédons.
On raconte que la vie sur Terre est due au Big Bang, nous sommes donc tous des enfants des étoiles à la recherche de notre univers originel, Peihn un peu plus que les autres sans doute….
Avant-critique par Christian Dorsan
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